Un élément singulier du projet éducatif des patronages est une pédagogie, communément appelée, la pédagogie des grands frères et des grandes sœurs. Cette approche intégrale de l’éducation vise à instaurer une véritable fraternité entre les jeunes et les enfants : les aînés se sentent responsables des plus petits et se rendent accessibles à eux, attentifs à leurs besoins et à leur progression.

L’objectif est double : permettre aux petits de dédramatiser la relation aux grands et encourager les grands à s’intéresser aux plus petits, à leur montrer de l’estime, à leur donner confiance et à les tirer vers le haut. Il s’agit de créer un élan où chacun a envie de grandir et d’élever l’autre, où chacun comprend qu’il a une mission à accomplir au sein de son patronage.
Ainsi, cette pédagogie ne se limite pas à une simple bienveillance des grands envers les petits. Elle cherche à responsabiliser les jeunes et les enfants en leur faisant comprendre que, dans un patronage, chacun est responsable de tous. C’est une première éducation au bien commun. Les jeunes s’y engagent librement, gratuitement, sans contrainte parentale ou professorale, simplement parce qu’ils se mettent au service d’un bien qui les dépasse. Cette transmission du sens du bien commun repose sur la capacité à tisser des relations qui, en dehors de ce cadre, ne se formeraient peut-être pas naturellement.
Aimer, cela se décide et vivre en communauté fraternelle suppose une volonté, une adhésion. Ceux acceptant un jour de devenir grands frères ou grandes sœurs découvrent toute la richesse qu’il y a à se mettre au service des plus petits : ce n’est pas seulement s’occuper d’un enfant, c’est œuvrer pour une communauté entière, comprendre que l’éducation et la transmission dépassent les relations individuelles et isolées pour s’inscrire dans un tout.
C’est en cela que la pédagogie des grands frères et des grandes sœurs rejoint profondément l’exemple de Jésus serviteur s’abaissant pour laver les pieds des siens. Être grand frère ou grande sœur, c’est comprendre que l’on est responsable des plus petits, que l’on doit être protecteur, éducateur, et édifiant par l’exemple. Il n’est pas nécessaire d’être adulte pour contribuer à l’éducation d’un enfant : dès le plus jeune âge, on peut apprendre à guider et à élever l’autre.
Ce système est un véritable rite de passage pour les jeunes qui en prennent la charge. Les collégiens et lycéens, en devenant grands frères et grandes sœurs, ne sont plus simplement des enfants dont on s’occupe : ils franchissent une nouvelle étape. Désormais, ils s’occupent avec les adultes des plus jeunes, ils ne sont plus seulement ceux à qui l’on donne du temps et de l’énergie, mais ceux à qui l’on donne la possibilité de donner à leur tour.
Bienvenue dans le monde des adultes ! Le grand frère ou la grande sœur va désormais porter cette responsabilité avec les adultes qui ont besoin de cette aide pour faire grandir la communauté du patronage. A son échelle, le jeune devient porteur d’un héritage, d’une mission, et demain, prendra encore plus de responsabilités.
Le patronage, comme école de la responsabilité, trouve ici une incarnation évidente. Ce rite structurant qualifie l’identité même du patronage : il est le cœur de tout patronage. Mettre des jeunes au service des enfants n’est pas un simple objectif parmi d’autres, c’est une priorité, une mission fondatrice. C’est ainsi que le patronage élève, en offrant à chacun la possibilité de grandir en servant les autres.
💬 Qui mieux que ceux qui l'ont vécu pour en témoigner ? 😉
Marie Hoppe, directrice du patronage du Vexin (Val-d'Oise), et quelques jeunes de son équipe, reviennent sur l'importance de cette pédagogie. Nous les en remercions chaleureusement.

Témoignage de Marie Hoppe :
Quels sont les fruits les plus marquants que vous avez observés grâce à la pédagogie des grands frères et grandes sœurs ? 🍒🍐🍎
Le premier fruit, c’est le fait de garder le lien avec les enfants après leur entrée au collège. Cette pédagogie commence par donner une place aux adolescents au sein du patronage.
Le second, c’est la confiance en eux, c’est de les voir progressivement devenir de véritables animateurs, gagner en autonomie sur l’animation de jeux. Certains ont déjà naturellement de belles aptitudes, mais pour d’autres c’est un chemin qui porte ses fruits progressivement. Au début, les jeunes se cantonnent à ce qu’ils aiment faire (activités manuelles pour certains, jeux sportifs pour d’autres). Et puis peu à peu, ils prennent plus de risques, ils se lancent, ils jouent un rôle devant tout le monde pour l’imaginaire. Je leur dis souvent que lorsqu’ils passeront le BAFA, ils auront quelques avantages sur d’autres stagiaires ! Notamment celui de connaitre leurs talents et de les avoir développés et utilisés.
Le troisième, c’est l’ouverture aux autres et le don de soi. Au départ, ils sont très centrés sur eux, sur leurs envies, sur leur bande de copains. En étant Z, ils sont amenés à sortir de ce confort relationnel, à aller vers les enfants et ainsi ils découvrent la joie que procure la relation aux plus jeunes. Ils apprennent à se décentrer d’eux-mêmes, ce qui n’est pas facile à cet âge !
En quoi ce modèle transforme-t-il la dynamique du patronage et l’esprit de responsabilité entre les jeunes ? 🚀💫
La présence des adolescents dynamise énormément la vie du patronage. Ici dans le Vexin, je suis une des plus jeunes à animer les journées alors que j’ai bientôt 47 ans ! Même si nos bénévoles ont des profils plutôt énergiques, nous sentons bien que nous n’avons plus 20 ans. Notre rôle est alors plus naturellement dans l’organisation ou dans les activités plus posées. Pour les enfants, nous sommes dans la catégorie des parents ou des grands-parents. Ainsi les grands frères / grandes sœurs sont très attendus pour leur proximité, leur vision du monde commune à celle des enfants et surtout leur énergie dans les jeux. Ils ont aussi la capacité à savoir mieux que nous ce qui va plaire aux enfants, puisqu’ils ont encore un pied dans le monde de l’enfance.
Les enfants peuvent se projeter dans le rôle de grand frère / grande sœur, car il leur est accessible d’ici quelques années. Et de fait, ils expriment rapidement ce désir de le devenir. Ainsi, cette pédagogie vient naturellement assurer la continuité du projet, jusqu’au passage du BAFA pour certains.
Quels bénéfices concrets voyez-vous chez les enfants grâce à cet accompagnement ? 🎯✔️
Les enfants sont bien entourés au patronage, ils ont autour d’eux de nombreuses personnes disponibles pour les écouter et jouer avec eux. Les grands frères / grandes sœurs offrent une présence pleine d’imagination, d’énergie. Ils offrent également la bienveillance et la disponibilité que les enfants ne trouvent pas toujours à la maison avec leurs frères et sœurs de sang.
Comment les grands frères et grandes sœurs grandissent-ils eux-mêmes à travers cette mission ? 🌱🐣
Les grands frères et grandes sœurs continuent d’évoluer au sein du patronage pendant leurs années de collège (chez nous ça devient difficile au lycée à cause des horaires et des kilomètres à parcourir), ce qui est déjà une très bonne façon de passer ses mercredis et ses vacances, dans un cadre bienveillant, joyeux, fraternel et plein de vie ! Ils viennent dans l’idée de donner de leur temps, ce qui les valorise et leur donne le goût du don de soi.
Ils apprennent des techniques d’animation : expliquer des règles, prendre la parole en public, cadrer un groupe, monter un imaginaire, veiller à la sécurité, s’adapter, analyser et améliorer ses prochaines animations, travailler en équipe.
Avez-vous des anecdotes illustrant l’impact positif de cette pédagogie ? ☺️🤲
Je pense à deux moments où les « Z » du patronage (c’est le nom que l’on donne à nos grands frères / grandes sœurs) m’ont donné une leçon d’animation.
La première fois, nous organisions un « poule / renard / vipère » dans une grande prairie et j’avais prévu de placer les bases avec comme critère principal la sécurité : qu’on puisse voir tout le monde pendant le jeu, pas trop de distance, etc. C’est un Z qui m’a proposé comme alternative de placer les bases entre deux petites collines, pour que ce soit plus marrant. Les enfants ont adoré cette partie de « poule / renard / vipère », où ils ont grimpé et glissé du haut de la colline. J’ai réalisé que je n’étais plus la mieux placée pour savoir ce qui était le mieux pour les enfants !!!
La seconde fois, c’est un Z de 6ème, plein d’énergie, qui était chargé d’animer un « 1,2,3 soleil » dans une grande salle, un jour de pluie, au cours d’un jeu de postes. Lorsque je suis passée voir comment se déroulait son jeu, quelle n’a pas été ma surprise en voyant qu’il avait installé des rangées de chaises que les enfants devaient escalader pour arriver jusqu’à lui.
Je suis toujours étonnée de cette créativité infinie qu’ont les jeunes, de leur capacité à sortir des sentiers battus.
Selon vous, pourquoi cette pédagogie est-elle si précieuse aujourd’hui ? 💎💖
Je pense que les jeunes ont un grand besoin d’être responsabilisés, qu’on leur fasse confiance. Cela est vrai de tout temps. A un âge où ils ont bien souvent un manque de confiance en eux, cette pédagogie leur permet de porter un regard positif sur eux-mêmes, par l’affection des enfants mais aussi par les retours des bénévoles qui s’extasient sur ce dont ils sont témoins.
Je crois aussi qu’il y a un sujet sur la sédentarité des ados, et des enfants en général. Ce n’est pas rien d’avoir une journée par semaine où ils sont amenés à bouger. Pour les petits, c’est naturel, et les parents sont bien obligés de leur faire faire des activités. Pour les ados, qui deviennent beaucoup plus posés, voire se transforment en « maki-sushi » (enroulés dans leur couette pendant des heures, et je sais de quoi je parle, étant maman d’ados !), c’est parfois un challenge de trouver un motif de bouger. Or, le patronage a cet effet sur les ados. Il les motive à sortir de leur coquille et à aller à la rencontre d’autres ados, d’enfants, de bénévoles.
Enfin, je crois que nous avons besoin de recréer du lien dans une société très compartimentée. Les enfants sont rarement, en dehors de la famille, dans des cadres intergénérationnels. Ils sont au centre de loisirs, dans la section des « grands », puis ils entrent au collège et deviennent des collégiens. Au patronage, ils continuent d’évoluer sans rupture, tout en douceur, et avec une prise en compte de leur croissance, et accompagnés par des adultes bienveillants.
Comment encouragez-vous les jeunes à s’engager dans ce rôle et à en tirer le meilleur ? 💪🔝
Pour les enfants du patronage, c’est assez naturel. Ils voient les Z, ils admirent les Z, ils veulent leur ressembler et comme eux passer de l’autre côté. Cela se fait tout seul, quand c’est possible logistiquement pour les familles.
Ensuite, nous invitons largement. A Magny-en-Vexin, je suis passée dans les classes du collège privé qui accueille les activités du patronage le mercredi, pour proposer cette mission. La première année, nous avons été surpris du nombre de jeunes qui ont répondu à cet appel, nous avons même été un peu débordés, car ce n’était pas des jeunes issus du patronage, il fallait donc beaucoup les accompagner.
Cela passe aussi par l’aumônerie : les jeunes sont invités à rendre un service en s’engageant au service des plus jeunes.
Il y a aussi les copains des jeunes, à qui je dis de ne pas hésiter à faire découvrir le patronage. Nous avons plusieurs ados qui sont arrivés par des copains, et qui se sont retrouvés ensuite à faire des colonies de vacances avec l’association.
Quel nom fut choisi pour l'équipe des jeunes et pourquoi ? 🧍🌟🧍♀️
Nous avons choisi « Z », c’est un petit jeu de mot (nous sommes friands des jeux de mots ici) qui vient de « Aide-animateurs ». Avec la liaison, on prononce les « Z-animateurs », et voilà.
De ce terme est née une progression : les « Z’exemplaires » sont ceux qui découvrent la fonction de « Z », la première année (t-shirt vert). Ensuite, il y a les « Z’expérimentés » qui ont déjà une année d’expérience (t-shirt jaune). Enfin, il y a les « Z’aînés » (t-shirt orange).
Ce sont les grands, qui sont en troisième ou au lycée et qui participent pleinement à l’animation des journées.

Témoignage des "Z" :
👩 Louise (5ème)
Pourquoi devenir devenir "Z" ? Quelle fut ta motivation ?
C’est de continuer à venir au patronage, de passer l’après-midi avec des personnes sympa, de bouger.
Quels sont les plus beaux fruits que tu as constatés chez les enfants que vous accompagnez ?
Les enfants sont heureux, ils sont plein d’énergie et aiment quand des plus grands leur organisent des grands jeux.
En quoi cette expérience t’a-t-elle personnellement transformée ?
Je suis plus à l’aise avec les enfants et j’aime de plus en plus passer du temps avec eux.
Quelles valeurs ou compétences as-tu développées en t’occupant des plus jeunes ?
Ça m’a rendue plus sociable, plus patiente, plus ouverte aux autres.
Pourquoi conseillerais-tu à un autre jeune de devenir Z ?
Parce qu’on se rapproche vraiment des enfants, parce que ça nous rend heureux de vivre ces moments avec eux.
👦 Thomas (3ème)
Je me sens bien avec les enfants, j'ai toujours aimé m'occuper des petits. Je m'amuse bien et ça me responsabilise.
Je conseille aux autres de venir pour l'ambiance.
👩 Juliette (3ème)
Pourquoi devenir devenir "Z" ? Quelle fut ta motivation ?
Quand je faisais le patronage plus jeune, j'admirais déjà les Z alors j'ai voulu faire comme eux. J'avais aussi envie de m'occuper des plus petits à mon tour.
Quels sont les plus beaux fruits que tu as constatés chez les enfants que vous accompagnez ?
Les petits demandent beaucoup notre aide. Ils peuvent être admiratifs ou bien ils nous considèrent comme égaux à eux.
Quelles valeurs ou compétences as-tu développées en t’occupant des plus jeunes ?
J'ai pu approfondir mon envie de m'occuper des plus petits, mon attention aux autres particulièrement aux plus jeunes. J'ai pu apprendre à gérer des choses comme des jeux de poste où je tenais un stand. Cela m'a amusée quand je jouais un rôle par exemple et que je faisais rigoler les enfants.
As-tu une histoire ou un moment particulier qui t’a marqué dans ton rôle ?
Un jour de patronage, un petit que je connaissais n'allait pas très bien et je suis allée le voir avec un autre Z qui était mon ami. On l'a consolé et on l'a rassuré. On l'a détendu et fait rigoler. C'est ça qui rend si spécial notre rôle.
Pourquoi conseillerais-tu à un autre jeune de devenir Z ?
Je lui dirais que ça enrichit notre attention et notre écoute. On apprend à faire plus attention aux autres et à nouer des liens avec les plus jeunes. J’ai beaucoup aimé devenir Z. Cela nous permet de plus facilement aider les animateurs.


Poursuivez votre réflexion en écoutant l'abbé Vincent de Mello expliquer les bienfaits de ce système. Vidéo également disponible dans le e-learning d'Esprit de Patronage. ⬇️
Cet article est basé sur les paroles de l'abbé Vincent de Mello dans la vidéo présentée ci-dessus.
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