Marthe Robin disait qu'il faut aider les prêtres à tirer la paternité de leur coeur.
Eléments de contexte :
Deux obstacles actuellement semblent mettre en difficulté l’action du prêtre dans un patronage. La première est circonstancielle ; la seconde est plus profonde. De manière circonstancielle, la crise que traverse l’Eglise sur la question des abus amène à une crainte, comme si le prêtre constitue forcément un danger.
Or, il est important d’envisager qu’un prêtre puisse agir de manière saine et sainte sans être abusif. On ne peut donc pas conditionner la position du prêtre dans cette action éducative et pastorale à des abus qui, par définition, sont une transgression par rapport à une norme. Il conviendra donc de mieux définir quelle est cette norme.
Mais il y a également une difficulté plus profonde d’ordre idéologique qui s’enracine dans une méconnaissance de la théologie du sacerdoce et une méconnaissance de la doctrine sociale de l'Église.
Le sacerdoce et sa mission d’autorité : La théologie du sacerdoce en effet, nous montre que le prêtre a trois charges qui lui incombent :
- La première est une charge de gouvernement,
- la seconde est une charge d’enseignement
- la troisième une charge de sanctification.
C’est en vertu de son charisme institutionnel, plus qu’en vertu d’un charisme personnel, que ces charges lui incombent. Dans l’exercice de son ministère et indépendamment de son charisme personnel, le prêtre a pour mission de transmettre la foi tant par cette charge de gouvernance et d’autorité que par celles d’enseignement et de sanctification. Ensuite en raison de la doctrine sociale de l’Eglise mais surtout en raison de sa mission profonde, il doit permettre au sacerdoce baptismal de s’exercer. Il doit veiller à rendre tous les acteurs de la mission profondément féconds et pas simplement pour des raisons d’ordre managérial.
Il s’agit de permettre à chacun de se déployer au maximum dans l’exercice de sa vie chrétienne et baptismale.
Cela signifie que la part d’autorité qu’exerce le prêtre l’amène à permettre à chacun d’exercer son autorité, et par conséquent, ne retranche pas aux autres la part d’autorité qu’ils doivent exercer eux-mêmes. Là où il y a le sentiment d’une concurrence dans l’exercice de l’autorité, il y a souvent une méconnaissance de la théologie, du sacerdoce et du principe de subsidiarité.
Le sacerdoce dans une œuvre éducative : Si l’on doit maintenant tracer le portrait du prêtre et de son action dans une œuvre éducative telle qu’un patronage, il convient donc de tenir compte de ces points.
Ce qui caractérise une œuvre éducative c’est qu’elle contribue à l’édification d’une personne sur son chemin de construction personnelle, tant au niveau psycho-affectif, qu’intellectuel, que spirituel, que physique.
Cette œuvre d’éducation intégrale, l’Eglise y prend sa part et les œuvres éducatives qu’elle construit et accompagne doivent permettre cela. La paternité du prêtre dans ses œuvres éducatives, fait qu’il participe à l’engendrement d’une personne, fondamentalement au niveau spirituel, mais qu’il est en charge aussi d’engendrer une œuvre plus large que sa propre personne, en faisant exister une œuvre avec toute la richesse des acteurs qui vont contribuer à l’édification des jeunes qui sont confiés à l’Eglise.
La paternité du prêtre est donc une paternité non pas seulement sur les personnes symboliquement etspirituellement, mais elle est une paternité sur une œuvre d’Eglise.
Le prêtre dans une équipe de direction : De tout cela découle que le prêtre fait partie de l’équipe de direction d’une œuvre éducative, même s’il n’est pas seul dans cette charge de direction. Il est d’ailleurs précieux pour lui de s’entourer d’une équipe de direction et la prudence (cf. la crise des abus que nous traversons), lui impose, semble-t-il, aujourd’hui, d’être particulièrement attentif à laqualité et à la variété de cette équipe de direction (présence d’une femme, présence de laïcs aux profilsdiversifiés ...). Dans cette diversité de profils, il est important qu’il y ait une véritable convergence, voire même une profonde communion dans ce travail afin de construire un monde unifié autour des jeunes qui nous sont confiés. Mais cette communion ne signifie pas que les collaborateurs laïcs du prêtre sont priés d’être d’accord en tout avec lui ; leurs remarques et parfois leur contradiction ne peuvent être vécues par le prêtre comme une offense à son charisme institutionnel d’autorité.
Il importe d’ailleurs que le prêtre sache que son obéissance n’est pas que hiérarchique au sens où elle se limiterait au seul supérieur institutionnel à qui il a promis obéissance. Ce point mériterait des développements plus amples (la question d’une forme « d’obéissance fraternelle ») mais on peut au minimum évoquer ici l’appartenance à l’organigramme des structures civiles qui soutiennent les œuvres éducatives ; celles-ci – le plus souvent des associations loi 1901 - conduisent le prêtre très concrètement à obéir à des lois, des règlementations qui appartiennent au droit positif mais aussi à des fonctionnements hiérarchiques dont le prêtre n’est pas exonéré. Ceci étant posé, le fait que le prêtre soit membre de l’équipe de direction n’est donc pas un élément accessoire. Cela ne fait pas de lui l’unique membre de l’équipe de direction mais il y a une place à part car il représente l'Église qui entreprend cette œuvre éducative.
Il est un point plus particulier qu’il convient ici de développer maintenant qui influe nettement sur la pédagogie des œuvres d'éducation dans l’Eglise.
Le prêtre doit s’investir particulièrement pour veiller à ce que des jeunes avec qui il a d’abord une relation au for externe, trouvent leur place dans l'Église et y portent du fruit.
Il est une réalité anthropologique incontournable qu’il faut ici prendre en compte : c’est le besoin de fécondité, particulièrement à partir de l’âge des rites de passage, c’est-à-dire autour de la puberté. Une mission éducative dans l'Église est certes une mission spirituelle et catéchétique, mais elle est enracinée dans une réalité anthropologique. Par conséquent, elle doit permettre à chacun de porter du fruit. On touche là à un désir profond du cœur humain. Et il est en âge où éduquer consiste à permettre à un jeune de porter du fruit et de se savoir un acteur du monde dans lequel il est placé.
Abbé Vincent de Mello
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